Top 5 des meilleures publicités de réalisateurs de cinéma

 

Voici un classement subjectif et non exhaustif des meilleures pubs (pas trop connues) de réalisateurs (plutôt très connus).

  1. Spike Lee (Malcolm X, Inside man, Old Boy le remake) pour Nike (1991)

Au début des années 90, Spike Lee réalise une série de spots tv pour Nike, une collaboration qui devient mythique, au point que vous pouvez même acheter des Air Jordan Spiz’ike en référence au réalisateur.

En 1991, Spike Lee a déjà réalisé six films, et Malcolm X sort l’année suivante au cinéma. Il est donc un peu connu mais pas trop. Il reprend dans ces spots son personnage de Mars Blackmon, qu’il interprète dans She’s gotta have it (1986). Mars Blackmon est un brooklyner, dragueur et fan des…. New York Knicks. Ça tombait bien. Comme souvent donc, Spike Lee se met en scène dans sa réalisation, utilisant non seulement sa notoriété de cinéaste mais également l’image de son personnage public, toujours affublé de ces grosses lunettes carrées.

La mise en scène repose à chaque fois sur les mêmes principes : un noir et blanc esthétique, des plans serrés et courts, donc dynamiques pour le visuel. Des répétitions et un ton journalistique avec des phrases courtes pour l’audio.

L’efficacité repose surtout sur une mise à nue de la tactique publicitaire qui consiste à dire : « achète des Jordans et tu deviendras le roi des dunks ». Un message qui ne fonctionne absolument plus sur le spectateur des années 90 qui n’est pas dupe et qui ne veut surtout pas qu’on le croit dupe. Ne prenant pas le spectateur pour un idiot, il présente juste la vérité : « avec des Jordans, tu ne deviendras pas fort au basket, tu pub realisateurs connus (18)deviendras juste cool », ce qui est précisément ce que la cible veut entendre. On a donc une superposition des messages : le message principal mais implicite : « avec des Jordans aux pieds tu es cool », et un deuxième message explicite qui vient se superposer au message le plus important « Nike essaye de te faire croire que c’est grâce à ces Nike que Michael Jordan est Michael Jordan. Mais c’est faux, et tout le monde le sait, d’ailleurs Michael Jordan le dit. ». Ce deuxième message internalise la critique de la publicité qu’on peut commencer à sentir dans les années 90. En dénonçant lui-même le mensonge inhérent à la publicité, Spike Lee se place du côté de la cible, créant une connivence avec elle, et flattant son ego « non tu n’es pas dupe et on le sait ».

Par ailleurs, le duo Michael Jordan/ Spike Lee fonctionne à merveille, sur le fait qu’ils s’opposent presque en tout. L’un est petit, comique et bavard, quand l’autre est un géant, peu loquace, et impassible. Par contre, ils sont tous les deux entrés dans la pop culture américaine, et font partie de la communauté afro américaine au summum de la coolitude, le style c’est eux, les autres suivent.

  1. Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind , Be Kind rewind, La science des rêves) pour Levi’s (1995)

Gondry n’est pas connu en tant que réalisateur de cinéma au moment où il réalise cette pub. Contrairement aux autres réalisateurs de ce top donc, sa notoriété n’entre pas en compte dans le processus de création.

Là où on le retrouve, c’est dans son jeu sur la forme, Gondry attache toujours une importance capitale à la technique et à la bande sonore qui est souvent au centre de la réalisation. Ces marques du réalisateur sont présentes ici: le noir et blanc et l’esthétique rétro, la caméra subjective complètement intrigante, la musique electro décalée. Le clip repose sur un enchaînement de traveling qui se succèdent de façon assez brutale. On avance par bonds et ruptures. Ces ruptures formelles font écho à la rupture sociale entre deux générations. Levi’s c’est avant tout la jeunesse, mais pas n’importe quelle jeunesse : la jeunesse rebelle qui s’approprie le monde, qui s’approprie la « watch pocket » de ses jeans. Enfin quoi de plus merveilleux, cette jeunesse rebelle est tout à fait sensibilisée à la contraception et se protège lors de ses rapports sexuels.

Contrairement au mannequin de Desigual (bouhooou !) :

 

  1. David Lynch (Mulholland Drive, Sailor and Lula, Elephant man) pour PS2 (2000)

Alors là, ça colle tellement bien entre Playstation et Lynch qu’on se demande comment on n’y a pas pensé avant. On se demande même pourquoi on a été étonné quand on a lu « David Lynch pour PS2 ». Le réalisateur s’amuse ici à réutiliser ses codes, se parodiant lui-même.

Nous voici donc dans un étrange mélange entre Inland Empire et Twin Peaks. D’autant plus étrange qu’Inland Empire a été réalisé six ans après cette publicité pour PlayStation. A base de couloirs flippants, d’animaux qui parlent et de types en costard, Lynch choisit un format Digital Video bien amateur avec des effets spéciaux bien amateurs. C’est n’importe quoi, c’est osé et ça marche, du moins sur moi. On pourrait presque dire que c’est un Inland Empire au masculin. Quand l’héroïne d’Inland Empire se projette dans chacun des programmes télé sur lesquels elle zappe, le gamer de PS2, se projette dans les jeux vidéo, monde où tout est possible, et où l’absurde n’est jamais loin, tout à fait comme chez Lynch.  Welcome to the third place.

  1. Polanski (Le pianiste, Chinatown, The ghost writer) pour Marie Claire « Peut mieux faire » (1984)

 

Nous sommes en 1984 et Marie Claire se trouve face à une contradiction : présenter une femme moderne tout en s’appuyant sur des thèmes de rubrique qui n’ont pas évolués depuis les années 50 (la cuisine, la beauté, la santé, la mode, l’amour). La lectrice de Marie Claire a beau être moderne elle a toujours les mêmes centres d’intérêt que la femme au foyer pré 68. Il s’agit donc pour le magazine de contourner cette difficulté en traitant ces stéréotypes comme ils n’ont jamais été traités.

Ainsi, elle a la passion de la cuisine, mais on ne la voit pas cuisiner. Elle s’inquiète de sa santé, mais en faisant des altères. Elle aime la mode, mais ne passe pas des heures dans son dressing, prenant ce qui lui tombe sous la main dans son cabas. Elle a la passion de la beauté, mais une touche de mascara suffit. Et enfin, elle a « la passion de l’amour », mais sa vie de couple est envisagée sous l’angle de la sexualité. Autrement dit, elle adhère toujours aux mêmes centres d’intérêts, mais plus de la même façon.

Cette évolution est surtout signifiée par l’action générale présentée dans le clip. Il s’agit de nous montrer une femme qui sort de chez elle. Métaphoriquement c’est assez clair, la lectrice de Marie Claire a quitté le foyer des années 50.

Pour réaliser ce tour de force contradictoire, Marie Claire fait le choix audacieux de faire appel à Roman Polanski, réalisateur moderne et sulfureux. En 1984, Polanski a réalisé Répulsion, film où Catherine Deneuve a un peu peur seule dans son lit, de ces mains qui viennent la toucher, et qui cherchent à rentrer dans sa chambre.

Il a également réalisé Rosemary’s Baby, dans lequel Mia Farrow, reçoit elle aussi une visite un peu étrange pendant la nuit.

Mais aussi Le locataire, dans lequel Polanski se travestit  et a lui aussi un peu peur le soir dans son appartement parisien de ce qu’il voit chez son voisin d’en face.

Et enfin, et surtout, Tess, où Nastassja Kinski goûte au fruit défendu un peu malgré elle, ce qui marque le début d’une suite de malheurs qui s’abattront  sur elle, totalement malgré elle :

Autrement dit, tout un tas de film avec des filles et des garçons qui ne sont pas très sereins et qui vivent des expériences sexuelles assez étranges, et bien souvent non consenties. Donc, même si il n’a pas encore réalisé Lune de fiel, il est déjà un réalisateur sulfureux.

Emmanuelle Seigner dans Lune de fiel. Ne me remerciez pas.

Réalisateur sulfureux qui appose sa touche de modernité au magazine, mais surtout réalisateur qui s’intéresse de près aux femmes. De films en films il pose la question de la maternité (Rosemary’s baby), de l’agression sexuelle (Répulsion), du regard de la société patriarcale sur certaines femmes (Tess). Polanski s’intéresse à la place des femmes dans la société, à leur vies sexuelles, à leurs traumas, il cherche à les comprendre allant parfois jusqu’au travestissement pour internaliser leur point de vue (Le Locataire). Marie Claire touche donc juste.

  1. Wim Wenders (Paris Texas, Pina, Les ailes du désir) pour Stella Artois (2010)

Wim Wenders produit ici l’exploit de réaliser une pub sexiste mais cool, une mission impossible qui lui permet donc de rentrer dans ce classement avec les honneurs.

Le clip nous présente un monde désert, où l’on ne voit que des objets,  une suite de « things of beauty » : une moto, une voiture, une guitare et enfin, une bière. Des objets associés à la virilité, et synonymes de réussite sociale (sauf la bière). Car c’est bien la réussite sociale de l’homme qui est en creux ici, et qui permet à Stella Artois de donner à sa bière une image plus classe que ce qui nous vient à l’esprit quand on pense « bière ».

Wim Wenders insiste sur la matérialité, tous ces signes extérieurs de richesse, d’élévation, de succès. Il s’agit de personnaliser ces objets en les filmant comme des corps. A l’aide d’une succession de panoramiques un peu dans tous les sens, et de zooms lents, la caméra de Wim Wenders vient caresser les objets avec sensualité, d’une façon réservée habituellement aux corps humains, corps précisément absents ici. La caméra vient tourner autour des objets, faisant naître chez le spectateur le désir. Très logiquement, tous ces objets ont des noms féminins, car leur beauté et leurs courbes les instaurent en objets de désir, donc en corps féminins, puisqu’on s’adresse à un public masculin. Donc votre pinte vous l’appelez « She ».

Il y a un double mouvement dû au décalage entre les objets luxueux que sont la voiture, la moto, la guitare d’une part et la bière d’autre part. La Stella profite de cette association avec ces objets de luxe. Elle est valorisée car associée à l’univers désirable et glamour de l’ouest américain, assez similaire à l’univers de la dernière pub Dior avec Johny Depp, en plus désertique.

pub realisateurs connus (3)

Dans le même temps, ce décalage crée de l’ironie. Les objets de luxe agissent sur l’image de la Stella, comme la Stella agit sur l’image de ces objets de luxe. Cette association vient rappeler que ces objets ne sont que des objets. On voit donc avec un certain recul ce portrait idyllique, grâce à ce regard qui concrétise en image le fantasme d’une virilité californienne et qui dans le même temps ironise sur ce qu’il représente.

BONUS: Tim Burton pour Hollywood Chewing gum

En bonus, je vous ai mis cette publicité sympa de Tim Burton pour Hollywood Chewing gum.

Cannelle Favier