Vive le vent, vive la neige, vive l’amour d’hiver ! : La Chanson de Lara

David Lean a fait une magnifique interprétation du chef d’œuvre littéraire de Boris Pasternak. Il nous dévoile une merveilleuse histoire d’amour en forme de rêve. En effet, le film livre le récit d’un homme qui recherche la fille de son demi-frère. Il lui raconte la vie de son père dont elle n’a aucun souvenir.

            Formidable épopée historique dans la Russie soviétique, les intrigues amoureuses y sont solidaires des problèmes politiques. Le médecin Youri Jivago se marie à Tonya avec qui il a grandi. Cependant, il rencontre en parallèle Lara , une très belle jeune femme traquée par Komarovski , un homme influent qui souhaite réformer le régime tsariste. Des destins compliqués se mêlent au cœur d’une guerre mondiale et d’une guerre civile entre l’armée rouge et blanche. Les sentiments si forts et pérennes des personnages n’en sont que plus fascinants au cœur de l’oppression, de la terreur, du froid et de la misère.  La poésie du récit et ses paysages éthérés reflètent admirablement la mentalité russe. David Lean a su rendre hommage à la beauté des lettres russes en en livrant des passages in extenso. Les personnages deviennent des figures historiques: Pasha, l’idéaliste, change de nom et revêt l’uniforme du général bolchevick Strelnikov inspiré de Trotsky. On voit ce courageux jeune homme romantique transformé en héros de guerre imperturbable qui oublie sa femme et sa fille. Dans ce régime et ce climat rude, toute la douceur à laquelle les personnages aspirent est gâchée par la matrice totalitaire.

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            Alors, la Chanson de Lara ne rencontre pas d’échos dans le désert argenté du Grand Ours. La neige incarne en fait la force du film. Omniprésente et recouvrant tout, elle est à la fois mortelle, inquiétante et belle, poétique, attirante. Il en résulte une mélancolie envoûtante, quelque chose de puissant qui entoure le destin du poète qu’est Youri, déchiré entre son amour pour sa femme et pour Lara.

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David Lean nous offre des fragments d’infinis saisissants ; la beauté des scènes résulte dans la simplicité de sa poétique de l’image. L’immensité de la Taïga, des rails raturant obstinément la neige, des touches écarlates de sang sur la glace, un champ de jonquilles signifient bien assez. Cette esthétique nous rend si attentifs que des détails quasi imperceptibles vous feront tressaillir de joie ou de chagrin.  La musique de Maurice Jarre n’y est pas pour rien, La chanson de Lara nous berce tout au long du film. Son air si léger et insouciant parcoure la vie des héros comme une valse et nous entraîne dans l’imaginaire de Pasternak. A ajouter à cette formule enchantée, le couple Omar Sharif et Julie Christie, l’un des plus émouvant du cinéma !

            Prévoir des mouchoirs pour éviter de pleurer dans son bol de choc’ et savourer ce drame épique qui vous laissera tout chose…

 

Marie-Sophie Listre