Un homme idéal – Un cas d’école?

Pour qui en doutait, le thriller de Yann Gozlan n’est pas passé inaperçu ce printemps. Peu de temps après sa sortie en salle, le film enchante aussitôt des spectateurs Français et internationaux et sa consécration est telle qu’il est nommé pour l’ouverture du festival du film français Colcoa à Los Angeles qui se tiendra du 20 au 28 avril.

Le film n’est pas seulement un événement pour le cinéma français; il s’agit d’un thriller dirigé par Yann Gozlan dans lequel Pierre Niney se voit attribuer le rôle d’un écrivain malhonnête pris dans la spirale de l’imposture pour un best-seller qu’il n’a jamais écrit. Une œuvre de fiction qui met en scène un jeune homme assez commun, le torse souvent gracieusement dénudé, souffrant du syndrome de la page blanche dans un environnement de Provence stéréotypé.

Le film est, pour ainsi dire, un cas d’école. Il témoigne, tant dans son écriture que dans sa réalisation, des limites du cinéma français actuel dans ses tentatives de combiner les différents aspects qui fondent le genre du thriller, par essence : un mélange d’hallucinations, de paranoïa justement dosé, des manipulations, des « Faux-Semblants » ( titre-même du second roman du personnage, dont on devine le caractère auto-référentiel), du travail sur la figure du psychopathe, sur l’identité/les identités alternée(s), en somme, autant d’éléments qui feraient d’un thriller français, un chef d’oeuvre digne de Fincher, Lynch ou Coppola.

Le scénario, malgré une bonne intention, manque tout à fait le virage du thriller psychologique. L’intrigue est insensée et les acteurs manquent de crédibilité. La performance de Pierre Niney est très linéaire, certainement inhibée par le manque de folie du scénario.

L’exemple d’Un Homme Idéal nous prouve que les cinéastes français n’osent investir le champ de l’art névropathe et brillant et qu’ils semblent se contenter d’une production hybride, une sorte de polar dramatique intimidée par un cinéma d’auteur Américain prédominant. On objectera que le thriller français à son esthétique propre et qu’il refuse de se laisser déterminer par une catégorie filmographique particulière. Néanmoins, la prudence et le manque de construction d’Un Homme Idéal entrainent les acteurs dans une performance pâle et savonneuse dont on ne peut, par amour de l’interprétation à la Française, se féliciter.

Johana Bolender