Miles Davis, Louis Malle et Jeanne Moreau : Ascenseur pour l’échafaud

Née d’une improvisation de Miles Davis le soir du 4 décembre 1957, la bande originale d’Ascenseur pour l’échafaud (1958) habille le premier film de Louis Malle avant de devenir l’un des albums phares du trompettiste, accompagné ici du quintet de sa tournée européenne (Pierre Michelot, René Urtreger, Barney Wilen et Kenny Clarke).

L’adaptation du roman de Noël Calef s’ouvre sur Florence (Jeanne Moreau) téléphonant à son amant après le meurtre – prémédité – de son époux.

Jean Tavernier (Maurice Ronet), l’amant meurtrier est, lui, coincé dans un ascenseur alors que son sort, sa voiture, son manteau et son pistolet lui échappent entre les mains de Louis (George Poujouly) qui s’offre de son côté une morbide escapade nocturne.

Pendant ce temps, Florence attend, doute, et s’inquiète le long des Champs-Élysées, en noir et blanc sur le fond de la trompette du mythique musicien.

Après avoir travaillé en tant que co-réalisateur du Monde du Silence (1955), Louis Malle se fait un nom en tant que réalisateur avec un film indubitablement ancré dans le cinéma noir.

Le réalisateur manipule les codes classiques du genre : il en embrasse des caractéristiques formelles telles qu’un décor urbain, un éclairage favorisant l’obscurité et des sempiternels stéréotypes du côté des personnages – Lino Ventura en inspecteur de police dans son imperméable beige, pour n’en citer qu’un – ou encore des dialogues et les monologues de Florence très travaillés.

Par ailleurs, il s’amuse dans d’autres détails : en ne montrant par exemple jamais le couple, pourtant au centre de l’intrigue, dans le même plan.

L’élément essentiel du film semble demeurer cette musique, qui surgit souvent de nul-part, mais toujours au bon moment, en décalage avec l’image mais s’immisçant fort à propos dans l’ambiance du récit.

Cette expérience, l’improvisation du quintet dans le cadre de la postsynchronisation d’Ascenseur pour l’échafaud marque dans la discographie (studio) de Miles Davis une évolution progressive, du be-bop et des influences de Charlie Parker et Dizzy Gillespie vers un jazz modal et plus personnel. Le rythme ralentit et le phrasé, spécifique du musicien, se précise, en particulier durant les scènes d’errance nocturne du personnage de Florence, tout en restant capable d’une truculente vélocité.

Entre des dialogues parfois trop écrits, des séquences de juste ce qu’il faut de silence, Paris, un ascenseur, la pluie, des meurtres en noir et blanc, Louis Malle et Miles Davis signent un film dont l’ambiance et la musique restent envoûtantes, fascinantes, et finalement inoubliables.

Album complet :

Ségolène Olivié