THE BIG SHORT : le casse du siècle de Adam Mckay…

ou  « comment comprendre la crise des subprimes de 2008 tout en passant un moment cinématographique plaisant »

Wall Street 2005. Quatre outsiders atypiques prévoient la crise des subprimes de 2008 et luttent contre tous pour prouver la véridicité de leur découverte.

Mi-fiction mi-faits réels : la forme porte le fond et vice-versa. Le film est une adaptation du bestseller de Michael Lewis. Si certains éléments du film sont “hollywodisés”, la plupart des faits se sont réellement passés tels que présentés dans le film.

Le sujet est complexe : il faut rester vif pendant tout le film pour tout saisir (même les pros en économie doivent rester vigilants!) Néanmoins, on comprend l’essentiel de cette crise américaine qui a touché toute la sphère financière internationale, tout en passant un bon moment.

Les protagonistes portent le film avec merveille, aussi bien le précurseur atypique à l’œil de verre, que les jeunes cassos geek dans leur garage avec leur mentor dégoûté de Wall Street ( Brad Pitt), en passant par le jeune premier trader qu’on aurait envie de baffer dés qu’il ouvre la bouche ( Ryan Gosling) ,que la team de hub financier portée par un financier grande gueule qui aime dire en gens “sa vérité” ( Steve Carell) Ils sont tous assez inadaptés socialement et on aime ça. On ressent une distance presque rassurante entre ces fous de la finance et nous. Et en même temps on aime à toucher , comme peuvent le faire des films sur l’espace par exemple.

The big Short est tellement efficace qu’il a l’effet d’un thriller, alors même que la fin est connue de tous. On sait les conséquences de la crise, on sait qu’elle va inévitablement arriver , on sait qu’ils auront raison au bout du compte, ET pourtant on suit avec intérêt toutes les étapes qui les mèneront à l’exposition et explosion de cette bulle financière. De bout en bout le film nous tient en haleine ! Le rythme extrêmement rapide  nous fait ressentir l’étau qui se resserre, cette crise inévitable, la pression qui pèse sur les épaules des protagonistes, seuls contre tous, qui pensent avoir prouvé l’impossible.

La mise en scène jongle entre des apartés/ caméra de Ryan Gosling , des images d’actualités sur fond de musique-rock tout en suivant le fil de l’histoire où l’on découvre comment le Dr Michael Burry a découvert avant les autres comment le système des prêts immobiliers américains allait inéluctablement s’effondrer. Et c’est très efficace. Accompagnés des petites vannes de financiers, des sides-caméras avec Selena Gomez ou encore Margot Robbie (clin d’oeil au Loup de Wall-Street) qui expliquent les termes financiers compliqués , du fait de ne pas trop entrer dans la vie personnelle des financiers, le film retombe toujours sur ses pattes. Il y a très peu de temps morts. Il y a un juste équilibre entre le ludique et le sexy pour comprendre ce phénomène important et ne pas se sentir face à un documentaire d’Arte sur les langoustes.

Le casting est d’un niveau 4 étoiles et chacun joue son rôle à merveille. Autant Christian Bale dans le rôle d’un génie inadapté socialement , que Steve Carrel en financier qui veut remettre en question tout le système financier. Le comique que l’on est moins habitué à voir dans des films dramatiques tient la route. Même Ryan Gosling est enlaidi pour rester crédible. On réalise vite que le casting s’efface totalement face à la complexité du sujet. Aucun premier rôle , personne n’est là pour voler la vedette à qui ce soit, l’intensité dramatique se construit pour la narration du récit.

Comme démontré par Philippe Marion, l’effet fiction-récit apporte une force émotionnelle sans précédent. Le spectateur sait que ce qu’il voit s’est vraiment passé, et en plus cela le concerne. Inclure le public, autant dans la narration avec les apartés des protagonistes, que par l’histoire en elle-même, donne une dimension nouvelle au film. On se sent vraiment concernés par ce film , malgré la complexité de ce qui nous ait expliqué, malgré notre sentiment d’impuissance. C’est peut être une autre raison de la réussite de The Big Short.

Sans trop de “bullshit”, ni de “bling-bling”, juste ce qu’il faut (d’un point de vue de Blockbuster américain bien sûr) The Big short offre une vision plus réaliste et plus “culturellement intéressante ” du monde des financiers que Le Loup de Wall Street.

Certes, le film n’a pas la portée de The Inside Job” (( avec la voix de Matt Damon 😉 ) , un documentaire qui retrace de manière très concrète cette fameuse crise des subprimes de 2008) : il est néanmoins plus accessible .

Les financiers incarnés dans ce film sont prêts à parier contre les banques donc, par A+B, contre les ménages. Le film ne dépeint pas les financiers avant-gardiste comme des justiciers au grand cœur, leur avidité et leur recherche de profit “avant tout” est très clair. Ils parient sur une crise financière immobilière pour s’enrichir. Mais restent humains pour autant – comme le montre le malaise de certains protagonistes quand petit à petit, ils réalisent que la réussite de leur coup va créer une crise financière sans précédant qui touchera les ménages les plus pauvres, et dont les véritables responsables ne seront jamais inquiétés ….

Les traders ne sont pas les seuls à blâmer… Le film “target ” aussi l’Etat américain et les agences de notations, en allant jusqu’à Monsieur Tout le monde qui signe peut-être trop vite des contrats de crédits sans se poser les bonnes questions au préalable… Tout le monde cherche à faire du profit, les financiers sont juste les plus vénaux … et les plus exposés médiatiquement. C’est un film qui va vous donner une raison concrète de haïr certains banquiers… mais surtout vous permettre de réaliser que parfois il suffit juste d’ouvrir les yeux pour réaliser à quel point on se fait entuber.

 

Fanny Dolléans