Mommy / J’ai tué ma mère – Critique transversale

La représentation du sujet Oedipien au cinéma est un étrange classique. Un classique des choses qui ne sont pas classiques, plus exactement.

Si le choix de l’oedipe est sans surprise pour le septième art, il l’est indiscutablement dans les films du jeune réalisateur Xavier Dolan. Quoi penser du traitement de cette légende née dans la tradition grecque littéraire, qui ouvre et clôt, à titre provisoire, la filmographie du réalisateur Québécois. Son traitement, l’on peut convenir, est tout fracassant :  2h50 de film décrivant la cyclothymie d’une relation d’amour brusque et pénétrante. Parallèlement à cela, une abondance de silences, allant du mutisme embarrassé des personnages, du bégaiement sequellaire de Kyla, jusqu’à une communication à bâton rompu, conflictuelle, caractérisée par une recherche effrénée de dissensus, d’informalité, d’interruption et de chevauchement de parole toujours plus violent. L’ironie, beaucoup plus assumée dans J’ai tué ma mère, plus délicate dans Mommy ainsi que la jeune sauvagerie des adolescents sont autant d’éléments qui signent l’indocilité d’un cinema en instance d’advenir. Virtuose en tous points, manipulant le sentiment du spectateur, remarquable autant dans son propre rôle que dans le choix d’un acteur suppléant pour son film Mommy, Xavier Dolan renouvelle le sujet Oedipien en y investissant son vécu, ses réflexions sur la maternité et en travestissant l’amour pour en montrer les implicites.

Le dernier film de Xavier Dolan s’inscrit dans la continuité d’une certaine tradition culturelle qui consacre la figure de mère, la figure de femme en anoblissant une relation d’amour brute, vertigineuse, et dysfonctionnelle. Alors que ce dernier, jouant son propre rôle dans J’ai tué ma mère, scande la mort de sa génitrice pour laquelle il se sent incapable d’éprouver des sentiments filiaux ” l’aimer comme un fils “, on semble retrouver une sorte de double plus déficient, conservé dans sa naiveté, qui exalte un amour capricieux, impatient, possessif, et confondant dans Mommy mais surtout, qui restitue à la mère, des le début du film, ses responsabilités suite à l’expulsion de son fils du centre de rééducation dans lequel il avait été placé peu de temps après le décès du père.

Néanmoins, deux films, deux antagonismes, deux huis clos en pavillons modestes d’une banlieue de Montreal, deux situations de monoparentalité et le choix d’un tiers consciencieux incarné par Suzanne Clément. Des situations de fracas, de confusion relationnelle chères à Dolan . La mise en abîme du travail artistique notamment par l’esthétique du dripping de Jackson Pollock dans J’ai tué ma mère, la grande théatralisation des séquences de confession enregistrées, des moments quasi spirituels de danse et de chant sur un puissant Céline Dion, donnent au film un ingéniosité et une finesse rendues plus denses encore  par le choix du ratio image 1:1 dans Mommy.

Ainsi, Xavier Dolan réalise deux films différemment puissants, qui naturalisent le dysfonctionnement relationnel mère-fils et nous montre le désordre d’un amour certes Oedipien mais, principalement, inconditionné.

 

Johana Bldr

 

 

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