L’Ecole Buissonnière ou l’ode à la belle vie

Nicolas Vanier nous emmène hors du temps

« La vie est belle, quand elle le veut bien », voilà la tendre phrase du prodigieux Totoche, adressée à un gamin endeuillé, voilà l’état d’esprit dans lequel nous emporte merveilleusement le film intimiste de Nicolas Vanier.

Ecrivain, photographe, reporter, le réalisateur de l’Ecole Buissonnière possède de multiples casquettes, et son huitième long métrage témoigne d’une grandeur d’âme assez incroyable, transpirant d’amour pour la Sologne, terre natale de Nicolas Vanier, qui aborde ce film en tant qu’éminent défenseur de toutes les Natures.

C’est en 1927 que le film prend ancrage, temps où les blessures de guerre ont laissé des traces et où Paul, jeune orphelin parisien, rejoint la Sologne pour y faire un apprentissage inattendu. Baigné par la lumière vivifiante de l’immense forêt, le jeune garçon y découvre en même temps que nous les plaisirs simples d’une vie franche, et ces précieux moments se dérouleront auprès d’un cercle de personnages tous aussi émouvants les uns que les autres.

Une bataille pour la vie 

Ce film est avant tout l’histoire de Paul, orphelin endurci, petit garçon qui s’attèle à découvrir la vie, et qui, tout au long du film, fait preuve d’une curiosité qui n’enlève rien à son franc parler touchant. Au début réservé, une fois qu’il est recueilli par « Maman Célestine », (incarnée par l’excellente et très juste Valérie Karsenti), le garçon s’ouvre au monde qui s’étend devant lui, plus ou moins prêt à saisir les joies et les étonnements de la vie rurale.

Personnage sans filtre, il se retrouvera déconcerté par le repas servi à sa table, qui n’est autre que le lapin avec qui il a joué dans la ferme quelques heures plus tôt. Il sera d’ailleurs vite décontenancé par la dureté et la pourtant bienveillance de Totoche, ce personnage joué par François Cluzet, qui lui transmettra les us et coutumes de cet esprit de liberté et de communion avec la nature.

Le jeune Paul suit les pas de ce bon vieux Totoche, qui, fier de l’existence qu’il mène, lui enseignera ses meilleures astuces pour non seulement se débrouiller seul en forêt, mais aussi dans la vie.

La vie c’est pas la mort ?

Bah si évidemment, pour que le renard vive le faisan doit mourir, et pour que le faisan vive les insectes doivent mourir, pour que les insectes vivent les plantes doivent mourir, c’est ça la nature. Vie mort vie.

Belle leçon de vie donc, qui contrastera tout au long du film avec cette chasse abusive qui menace le domaine et qui malheureusement trouve sa réalité bien au-delà du film de Vanier. C’est d’ailleurs l’un des fervents engagements et dévouements du réalisateur : arrêter cette chasse qui détruit la forêt et qui se révèle contre nature.

La bataille pour la vie est omniprésente dans le film, si bien qu’elle en devient comme le fil rouge : Paul se bat pour retrouver ses origines, Totoche se bat pour sa liberté, Célestine se bat pour que la vie de ce petit garçon soit belle, les villageois se battent pour laisser vivre le fameux grand cerf, figure emblématique de la beauté mystérieuse de cette forêt solognote.

Dans l’immense nature : trouver son double

Tout au long de notre promenade, nous sommes donc face à des pairs, à des doubles espiègles, qui rythment le film et rythment la vie de ce paisible village. Le duo entre Paul et Totoche, attendrissant de sincérité, s’accorde avec la complicité boudeuse de Cluzet et d’Eric Elmosino (le garde-chasse tapageur). Ensuite, on se laisse volontiers porter par les histoires d’amour entre Célestine et Totoche, puis entre Paul et sa comparse gitane, Bella, qui nous envoûtera autour de divines danses endiablées.

A travers ces péripéties bien banales, c’est l’écoulement de plusieurs styles de vie qui s’offrent à nous, le tout bercé par la somptueuse nature, grande maîtresse du film, qui semble omniprésente, comme pour rappeler à chacun de ne pas se perdre en chemin.

Des enjeux environnementaux : où irons-nous dans le futur ?

Si les thèmes liés à l’environnement et à l’écologie ne sont pas nouveaux pour le réalisateur, c’est qu’ils lui tiennent particulièrement à cœur. Ce film est à prendre comme un voyage dans le passé certes, mais surtout comme une alerte pour penser notre futur. On observe alors une certaine subtilité assumée quant à la pratique du braconnage dans le film, qui à plusieurs reprises est tantôt disqualifiée, tantôt sublimée lorsqu’elle est saine et respectueuse. Les précieux conseils donnés par les différents personnages au petit Paul résonnent comme des appels à l’aide, et nous donnent une certaine idée de la nature que l’on a peut-être perdue.
Vanier nous enseigne finalement dans ce film ce que doit être notre gratitude envers cette richesse qui peuple nos campagnes et nos forêts, à l’heure où l’on compte près de vingt millions d’oiseaux lâchés par an en France seulement dans le but de divertir quelques chasseurs lors de chasses abusives.

La récurrente présence et menace d’un « mur », ou d’une « clôture » dans cette immensité verte, n’est pas sans rappeler cette angoisse actuelle liée à la destruction de la forêt. Est-ce réellement ce futur là que nous souhaitons ?

 

Auteur : Clara Fulcheri