Le sommet des dieux : un film d’animation époustouflant qui donne à voir l’appel de la montagne sous un nouveau jour

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

« Pour quelle raison aller toujours plus haut ? Être le premier ? Pourquoi risquer la mort ? Pourquoi faire une chose aussi vaine ? » 

Si l’appel de la forêt est un chant envoûtant qui pique le cœur tel les épines d’un sapin, l’appel de la montagne est, quant à lui, un chant silencieux. Celui qui est souvent incompris, celui que l’on écoute avec méfiance et inquiétude, celui qui s’adresse à une part encore inconnue de nous-mêmes. 

La conquête d’une montagne se veut souvent être l’illustration de l’hubris d’un homme qui refuse de voir les limites qui s’imposent à lui. Elle est l’incarnation d’un entêtement obsessionnel que rien ni personne ne comprend vraiment. Néanmoins, la montagne, du fait qu’elle soit visible de si loin, semble nous couvrir de son regard maternel. Comment un élément éternel peut-il être à la fois si doux et cruel ? 

Par son titre, Le sommet des dieux, Baku Yumemakura savait déjà de quel masque la montagne s’affublait. L’adaptation qu’en a fait Jirō Taniguchi a rendu pleinement visible le côté mythique de cette roche tendue vers le ciel. Le sommet des dieux nous donne à voir un entremêlement de destins qui brillent par leur résilience, leur passion et un désir inarrêtable de toujours se dépasser, le sommet, comme l’a dit Fukamachi, n’étant qu’une étape.   

Fukamachi Makoto est un reporter japonais qui, au détour d’une allée à Katmandou, pense avoir reconnu un alpiniste que le monde a déjà oublié : Habu Jôji. Ce dernier a en sa possession un objet qui pourrait changer l’histoire de l’alpinisme. Cet objet n’est autre qu’un appareil photo, un Vest Pocket Autographic, appareil banal et facilement confondable si celui-ci n’avait pas appartenu à George Mallory. 

Le sommet de l’Everest a été officiellement gravi en 1953 mais cette victoire a été prédécédée de nombreuses tentatives. Parmi elles, celle de l’anglais George Mallory et de son coéquipier, Andrew Irvine, qui tentent l’ascension en 1924. Ils sont vus pour la dernière fois sur l’arête nord de l’Everest, tout près du sommet. Personne ne les verra jamais redescendre. Dès lors, une question persiste : Mallory et Irvine sont-ils arrivés au sommet ? Ont-ils été les premiers à avoir atteint le sommet des dieux ? Récupérer les clichés du fameux Vest Pocket Autographic de Mallory, celui que Habu possède désormais, semble être la seule manière d’obtenir les réponses à ces questions. Fukamachi va donc essayer, par tous les moyens, de retrouver les traces de ce mystérieux alpiniste.  

Malheureusement, Habu Jôji est un homme fantôme. Il a disparu du monde de l’alpinisme du jour au lendemain malgré une carrière prometteuse. Il n’a plus d’accroche au Japon et le plein de vie de Katmandou rend difficile la quête de Fukamachi Makoto pour le retrouver. 

Cette quête, Fukamachi est loin de se douter des conséquences qu’elle aura sur lui et sa vision de l’alpinisme. L’œil avec lequel il regardait la vie s’en trouvera à jamais métamorphosé.  

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Le sommet des dieux de Jirō Taniguchi est une série sublime en cinq tomes et c’est un honneur que de la voir adaptée en un film d’animation, qui plus est, par une équipe de production franco-luxembourgeoise. Le style graphique de Jirō Taniguchi est impossible à traduire fidèlement à l’écran mais il semblerait que le choix de la 2D a réellement réussi à capter et à infuser, dans le film, la douceur, la poésie et l’honnêteté caractéristiques des dessins de Taniguchi.

L’animation des paysages de montagne a été d’autant plus époustouflante grâce à de la magnifique bande-son du film, produite par Amine Bouhafa. Il est difficile d’expliquer comment une mélodie a pu si habilement et avec une telle justesse saisir toutes les émotions que la montagne en tant qu’âme éternelle du monde peut nous faire ressentir. La mélodie du nom de « The Mountain Call » arrive, en 3 min 58 s, à nous faire ressentir l’immensité oppressante qu’inspire la montagne, la solitude de l’ascension, la petitesse qui nous saisit face à ce colosse rocheux, le baiser mortel du froid et la soif d’atteindre le sommet pour ainsi grimper toujours plus haut. 

Ces sentiments sont tous vécus et éprouvés par les différents personnages au cours de ce long-métrage mais particulièrement par Habu Jôji qui en est d’autant plus bouleversant. Son histoire est imbibée d’une telle solitude qu’il n’est pas étonnant qu’il ait entendu si vivement le chant de la montagne. Son cheminement, qu’il soit physique ou mental, est celui d’un homme brisé qui, malgré les souffrances terribles que la montagne lui a fait endurer, continue d’être patient avec elle. 

La rencontre avec Habu fait vaciller le monde de Fukamachi. Son entêtement à le retrouver se corrèle à celui de Habu qui n’arrêtera jamais de se trouver de nouveaux défis. Si Habu refuse d’abord toutes les requêtes de Fukamachi, la persistance de ce dernier va le troubler et lui faire revivre les moments les plus traumatisants de son existence. Sans le vouloir, Fukamachi le fait se confronter à tout ce qu’il aimerait oublier, à son seul et unique regret. La présence de l’autre les conduira à des épiphanies mutuelles qui résonneront dans l’esprit du public.  

Habu est un personnage troublant et profondément complexe. Sa détermination fascine, son apparente impassibilité questionne, sa force de résilience impressionne. Il est un personnage qui marque et dont les traces ne seront jamais entièrement ensevelies par la neige. 

Il déborde d’une sagesse humble que de nombreuses personnes ne sont pas à même de voir. Fukamachi saura néanmoins s’y montrer sensible et c’est pour cela que Habu finira par lui en livrer quelques fragments :

« Mais si tu me demandes pourquoi il a fait ça, pourquoi moi, je fais ça, la réponse est ailleurs. Et puisque tu es là, tu dois t’en douter. Ce qui m’a mené jusqu’ici est aussi ce qui me pousse à grimper. J’ignore ce que c’est mais j’ai cessé de me poser la question quand j’ai compris que c’était indispensable. Y en a qui cherchent un sens à leur vie. Pas moi. Grimper, c’est la seule manière pour moi de me sentir vivant. Alors je le fais, jusqu’au bout. Sans regret. » 

Le sommet des dieux n’est pas uniquement un film pour les amoureux de la montagne : il s’adresse à toutes les personnes qui ont un jour douté du sens qu’avait leur vie. C’ est un film qui subjugue et montre la beauté de la nature dans toute sa dureté. Il donne à voir des personnages aux espoirs infatigables et à la pureté aussi immaculée que la neige éternelle.  

Par Lisa Teagno

Sources :

Verniquet, Emmanuelle. Lebrun, Aurélie. « Le sommet des dieux : dossier de presse ». WildBunchDistribution.com. Wild Bunch Distribution. 22 Sept. 2021. Web. 29 Févr. 2022. https://www.dropbox.com/sh/r4yewaamf39cziq/AACUetz2mvbSeE2LqI22vsVDa?dl=0&preview=SOMMET+DES+DIEUX-Dossier+de+presse.pdf

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.