Ida ou le suicide du superflu

 

 

Ida critique courte

          Ida est par excellence le film de l’économie : de la sensualité, des larmes, d’un sourire, d’une parole. Qui, lorsqu’elles explosent, ont l’effet d’une bombe silencieuse et nous révèlent la sacralité du corps, et la force d’image d’une chevelure auparavant voilée qu’on détache. Epure symétrique, presque maniaque dans sa volonté d’une maîtrise esthétique, qui rejette souvent la pollution visuelle au profit d’un cadrage intime et céleste dont la sobriété apparente est animée par des jeux de lumière maîtrisés à la perfection (reflets, vitre, miroir).

Un suicide banal, donc inattendu nous coupe le souffle par sa simplicité même : c’est que Ida ne prépare pas ses effets. Comme si l’avenir du cinéma contemporain se situait dans un détachement du superflu (et Ida, ce film historique en noir et blanc, serait précurseur.)

Ida n’est pas l’énième réalisation du mythe d’une nonne qui « apprend » la vie et se dévergonde. Le seul salut – celui d’un choix personnel et non d’une morale – réside dans le sacrifice : accepter de se soustraire à la vue, du spectateur comme des hommes, mais seulement après avoir goûté un échantillon du champ du possible, condition nécessaire sans laquelle tout le sacrifice perd son sens. Mais si la raison initiale d’un retrait dans le couvent était Dieu, le voyage initiatique était celui de la vanité (de l’Histoire, de l’amour, car “et après?”); et se retirer du monde, c’est la refuser. De quoi laisser un goût amer : celui d’un regard noir dont on souhaiterait encore qu’il nous habite.

Au début du chemin d’Ida, la pauvreté épistémique; à la fin un détachement du monde vite épuisé. Tout part de et tout retourne à la maison de Dieu – car la quête d’Ida semble bel et bien être celle d’un absolu, mais nul ne sait si la foi, richesse ultime du pauvre, persiste.

 

CMD

 

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