Diamantino, l’histoire d’un film qui s’en fout pas mal d’avoir l’air sérieux

DIAMANTINO affiche film teaser Cannes
Photo : Rui Godencio

Russie, été 2018. Le Portugal affronte la Finlande en finale de la coupe du monde. Diamantino Matamouros, meilleur joueur du globe, porte sur ses épaules l’équipe en bleu et blanc, aux couleurs du drapeau royaliste portugais. La veille, il a recueilli des migrants à la dérive sur son yacht, en pleine croisière du dimanche. Quand vient le penalty qui pourrait sauver le Portugal d’une défaite certaine, Diamantino s’effondre  : les images des migrants l’assaillent, et la star du foot foire lamentablement son tir. Son père meurt la même soirée sous les coups de ses deux grandes sœurs, des jumelles timbrées qui n’en ont qu’après ses sous, et Diamantino devient la risée des réseaux.

Voilà pour les 15 premières minutes du film. Il y a parfois des soirs où l’on décide d’aller au ciné. On s’attend toujours à peu près au même cérémonial  : poser son cul deux heures dans une salle obscure à côté d’inconnus qui regarderont comme vous des images bouger sur de la musique. Bandes annonces, pub de voiture, pub de café, pub de parfum, bandes annonces plus longues et les lumières se rallument. Vient ensuite le connard qui se charge de faire la blague  :  «  Ah bah dites donc, quel bon film! » Les lumières s’éteignent, les connards se taisent et puis le film démarre. Sur ce, il arrive des trucs à un personnage principal qui ne sera plus tout à fait le même à la fin l’intrigue.

Dans Diamantino, c’est exactement ce qu’il se passe. Une star du foot se casse la gueule, et ses vilaines sœurs le mettent aux mains du parti de l’extrême-droite portugaise pour qu’il soit cloné 11 fois et qu’une équipe imbattable puisse rendre au pays sa grandeur d’antan. À cause des hormones que lui injectent les fascistes pour le cloner, une poitrine de femme commence à lui pousser. Perdu dans un corps d’homme aux attributs mouvants, muni d’un cerveau de jeune enfant, l’étoile du football est le parangon du gentil benêt : sa candeur excuse son abyssale bêtise.

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Photo : Rui Godencio

Gabriel Albrantes et Daniel Schmidt présentent ces jours-ci leur film en avant-première à Paris. Après la projection, Gabriel Albrantes parle au public de son joli bébé  : 9 mois passés au montage, à bricoler un film tellement fêlé du bocal qu’il en coule de la folie pure. Mais Diamantino n’en reste pas moins éminemment divertissant, puisque ses papas ont veillé à ce que rien ne l’alourdisse. On y traite donc avec désinvolture de sujets sérieux : les fascistes qui gangrènent doucement l’Europe, les migrants qui meurent en mer et les frontières du genre qui deviennent floues. Cette désinvolture n’empêche pas pour autant le spectateur de réfléchir un peu, au contraire. Aimez-vous, aidez-vous, restez jeunes, et surtout rappelez qu’on pense mieux quand on rigole. C’est une des prouesses du film  : s’attaquer à des sujets qui brûlent sans jamais s’approcher du pathos. Stars du foot, fascistes et réfugiés côtoient la transsexualité le temps du long métrage le plus baroque de ces six derniers mois.

Parfois, un film est tellement désarçonnant qu’il semble avoir fait fi d’à peu près tout le cinéma d’avant lui. Accrochez-vous  : les premières minutes de Diamantino s’ouvrent sur le stade où évolue la star, qui court vers le but adverse au milieu d’une meute de chiots géants qui barbotent gentiment dans des nuages roses.

À l’occasion du festival Chéries-Chéris sur les cultures LGBTQ+, Gabriel Albrantes répondait aux questions du public. Alors que le micro tournait, j’hésitais à demander au réalisateur s’il fricotait avec le hashish pour avoir des visions pareilles. Mais comme le film était très émouvant, j’avais moi-même les yeux drôlement rouges, alors je me suis tu.

Bref, Diamantino est sorti depuis le 28 novembre. Allez donc vous en faire votre propre idée.

Bien à vous,

Noé VIDAL