Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire : Look away, look away…

Rarement une série n’aura autant essayé de nous décourager de la regarder. Dès le générique, ce ne sont pas moins de -on les a comptés- 18 look away (« détournez le regard ») qui sont assénés au spectateur. Le narrateur en rajoutera une couche, au point que ça devienne un jeu, une sorte de running gag dans la série. Bientôt, le narrateur s’étonnera : vous regardez toujours ?

Oui, on regarde toujours. Parce qu’on attend pas mal de cette série très Wes Andersonnesque, qui ne manquera pas, selon les décors, de faire penser à Grand Budapest Hotel ou à Moonrise Kingdom. Et sur certains plans, on est pas déçus. Les dialogues sont savoureux, et l’œuvre un art consommé du jeu de mot, de l’ironie dramatique, du private joke littéraire. Quant à l’univers, il est particulièrement foisonnant. La série suit la trame du best-seller de la littérature jeunesse dont elle est adaptée, et propose tous les deux épisodes de changer radicalement de décor et avec, d’univers.

Violette, Klaus et Sunny (Prunille en Français) Baudelaire sont trois enfants malmenés par la vie. Enfants très bien éduqués, ils ont tout perdus, parents compris dans l’incendie qui a ravagé le manoir familial. Ils sont contraints à s’installer chez un lointain oncle, le Comte Olaf (Neil Patrick Harris). Le Comte Olaf est un vrai méchant : cet acteur raté, égocentrique, narcissique, fier de sa bassesse va tout faire pour mettre la main sur la fortune des Baudelaire, que Violette qui a 14 ans touchera à sa majorité. S’en suivent des luttes cartoonesques pour cet argent, le Comte Olaf revenant toujours, comme la Team Rocket, avec un nouveau plan machiavélique.

Cet effet de répétition est structurant dans la série. Tant est si bien qu’elle ne joue pas du tout sur le suspens. C’est ce que nous disent les génériques, qui, au long de la première saison, changeront tous les deux épisodes, et vont dire en substance, ce qu’il va se passer avant même le début de l’épisode. (Décidément, on veut vraiment nous faire détourner les yeux de cette série).

Mais suspens il y a quand même, notamment avec une histoire parallèle, celle des parents Baudelaire qui se trouvent être plus complexe qu’il n’y paraît. Cette dernière histoire sauve la série d’un système complètement répétitif qui aurait été ennuyeux. Et on se retrouve à enchainer les épisodes dont la longueur oscille entre 40 et 60 minutes avec une incroyable soif de jeux de mots.

Mais en sera-t-il autant pour la deuxième saison ? On peut regretter l’intrusion de la magie dans ce monde « tragique » qui aurait pu s’en passer. Si la plus jeune de la famille Baudelaire (Sunny) est terriblement attachante (comment ont-ils pu si bien faire jouer ce bébé ?) Il souffre en revanche du syndrome Seth MacFarlane : c’est le seul personnage totalement surnaturel de la série, à la manière d’un Stewie Griffin ou d’un Roger l’extraterrestre. Si on gagne en surprise, on perd en cohérence. Avec cette puissance surnaturelle à leur côté, on voit mal comment il pourrait arriver du mal aux orphelins Baudelaire, dès lors, l’histoire principale devient anecdote puisqu’une fois de plus, La team Rocket s’envolera vers d’autres cieux… Mais la série a su se montrer surprenante, dans sa façon de clore la saison une par exemple, alors soyons surs qu’elle ne sera pas avare d’efforts pour nous faire détourner les yeux encore une fois.

Gaël Flaugère