White Bird – L’oiseau désenchanté

Fin des années 80, Kat Connors à 17 ans, une silhouette agréable, une sexualité naissante et une mère dépressive. Quand celle-ci vient à disparaître mystérieusement, Kat est à peine troublée, presque soulagée de pouvoir continuer à vivre sa vie et ses amours d’adolescente sans cette figure maternelle étouffante. Elle semble se contenter de ce nouveau quotidien avec son père, un homme fantomatique et mutique. Seuls ses rêves de blizzard viennent remettre en question la disparition de sa mère et la sortent de son déni pour la confronter à l’évidence des faits.

Servi par une bande originale pointue, White Bird in a Blizzard installe avec brio une atmosphère édulcorée sous fond de 80’s, qui sans éviter les clichés n’en reste pas moins divertissante. Les acteurs qui y évoluent, ont le mérite d’être vrais dans leurs performances. Pourtant leur jeu semble gâché par des failles scénaristiques aussi grossières que la fausse neige récurrente qui tapisse les rêves perturbés de Kat Connors. A l’image de l’adolescente qu’Araki met en scène, celui-ci est encore dans la découverte maladroite de l’art de la séduction.

Il attise le spectateur un peu facilement, dénudant trop vite les corps débridés de ses personnages, puis marquant à coup d’écrans noirs les scènes d’hystéries d’une Eva Green en femme au foyer tyrannique. White Bird in a Blizzard glisse ainsi vers un comique involontaire provoqué par ce ton cru mal calculé. Plus encore, il déçoit par son cruel manque de timing. Araki s’obstine à frustrer son public jusqu’à ce qu’il se retrouve dans le même état d’incompréhension agacé qu’une Kat gémissant sans cesse que son amoureux ne lui fait plus l’amour. S’il offre d’excellentes scènes ou la tension s’amplifie et trouve enfin une résonance malsaine déterminante, il n’arrive jamais vraiment à en profiter pour transcender son film.

La fin qui se laisse volontairement deviner pour mieux devenir apothéose, est le point culminant de ce rythme inabouti. L’enquête n’était en fait qu’un prétexte pour mieux étudier le déni de ses personnages. Et, la farce finale d’Araki est autant sa signature hilare que vectrice d’énormités et d’incohérences scénaristiques. Il faut lui accorder ce sens du spectaculaire qu’on lui connaissait déjà. Mais c’est justement là qu’il rate ce qui aurait pu être sa nouvelle subtilité. Son final reste plombé dans le facile d’une narration où l’aspect psychologique est saboté. Son film n’est plus que la lecture volontairement biaisé du journal intime pathétique d’une adolescente américaine sans profondeur. Si le but de ce registre déceptif était de nous montrer la lutte des personnages face à une vérité immanquable, il perd en puissance parce qu’il ne peut pas souligner l’horreur de la situation. On ne sort pas étouffé par la violence de l’histoire mais bien apaisé par une fin aussi ridicule qui ne torture déjà plus nos cerveaux anesthésiés par la surprise. Il y a donc ceux qui ont aimé White Bird amusés de n’avoir pas vu venir l’impensable, et il y a les autres. Ceux qui sont sortis de la salle avec la sensation d’avoir été dupé par un réalisateur qui se cherche encore, ceux qui sont restés bloqués dans le blizzard.

Raphaelle Vanjak

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