Whiplash – clique ici si tu aimes le mâle alpha

Pour le pitch, Whiplash c’est un peu le recyclage du Sergent instructeur Hartman de Full Metal Jacket dans Black Swan, enfin sans la danse. Andrew, un étudiant en première année d’un prestigieux conservatoire des États-Unis, tombe sous la coupe d’un professeur tyrannique, Terence Fletcher, qui dirige son orchestre d’une main de fer, allant jusqu’à l’insulte et la violence physique, mais tout ça c’est pour l’art.

Voilà d’ailleurs le premier élément qui interpelle : l’art ? La musique en tant qu’art précisément semble absente de ce film. Dans Whiplash, le musicien de jazz n’est qu’un pion dans un groupe sans personnalité, entièrement dominé par le chef d’orchestre. Et la musique se résume à une succession de tricks impressionnants, des morceaux où vitesse rime avec chef d’œuvre. La musique se résume à de la sueur, du sang, de la souffrance. Avec Andrew, il n’est toujours question que de maîtrise technique comme si l’art se résumait à cela (je renvoie à l’article du New Yorker analysant le film uniquement dans son aspect musical : http://www.newyorker.com/culture/richard-brody/whiplash-getting-jazz-right-movies) et jamais de passion. D’accord, le réalisateur se serait inspiré de son propre passage au Conservatoire, oui bien entendu l’expérience cauchemardesque est amplifiée pour les besoins du cinéma. Et pourtant, venant d’un mélomane, où est passée la passion de la musique ? Ici, le musicien ne vise pas à un idéal artistique, mais une succession de concours, pour ensuite faire carrière au sein de grands orchestres. Quel ennui. Enfin, aucun des musiciens de l’orchestre ne prend plaisir à jouer. Il n’y a que rivalités et égoïsme, comment un groupe peut-il même fonctionner sans complicité, sans alchimie ? Pas une seule conversation sur les influences musicales ou encore sur la qualité du son. Dans Whiplash, la musique ne vient pas du coeur, elle ne se nourrit pas d’émotions. L’unique sentiment qu’Andrew semble ressentir est la gratitude d’un animal envers son maître quand celui-ci le félicite. Voilà la seule source de ses sourires tout au long du film.

Finalement, le vrai problème est de réussir à rentrer dedans, il n’y a aucun point d’attache humain. Andrew se trouve être aussi calculateur, froid et ambitieux que le professeur, les deux personnages sont assez détestables. Le très prévisible retournement final de Terence ne fait ni chaud ni froid, pas plus que le bonheur ou le malheur du jeune musicien ne nous importe. Bon, admettons alors qu’il soit plus prétexte à thriller qu’à l’exaltation du plaisir musical. Si la tension entre les deux personnages reste jouissive et ok, bien emmenée par les deux acteurs, le scénario semble faire du surplace, on a l’impression de voir la même scène qui se répète encore et encore. Je ne sais pas si l’histoire avec Nicole, la jeune fille du cinéma, était censée rajouter une dimension humaine au film mais en tout cas il n’y en a quand même pas. La scène d’ouverture géniale de The Social Network s’appuie sur des dialogues brillants, qui fusent, la rupture entre les deux personnages n’en est que plus soudaine, et Zuckerberg a beau être un salaud, son obsession renouvelée pour Erica le rend humain. On ne retrouve pas cette humanité dans Andrew, qui mérite bien le retour de bâton final : tu croyais qu’elle allait t’attendre imbécile ? Ni les dialogues de la scène de séduction, ni ceux de la séparation ne dépassent les stéréotypes.

Les performances de qualité des acteurs de Whiplash ne suffisent pas à rattraper une vision partiale de la musique jazz et de musiciens sans idéaux. La rigueur cinématographique dans les plans, les lumières etc égale la froideur méthodique de ce jazz institutionnel des grands orchestres. Franchement il y a de meilleurs films en salle en ce moment, bisous.

Marc Blanchi

3 Comments

  • Pénélope dit :

    Tellement pas d’accord avec toi Marc! J’ai l’impression que t’es passé à côté du film à force de vouloir sentir la musique. Certes, c’est un film sur la musique mais ce n’est pas un concert, ca reste un film! Et pour moi, c’en est un tres bon, tant esthétiquement qu’au niveau du scénario qui est certes assez succint mais tres largement exploitable et tres bien exploité ici!
    Quand tu parles des personnages, je suis encore fois totalement en désaccord : les deux hommes sont ambivalents comme nous tous, spécialement Andrew qui est un jeune adulte et qui se construit. Je trouve justement tres intéressant que ce personnage ait deux facettes, et que sa personnalité sombre se dévoile au fil du film. Ca lui donne en effet plus d’humanité qu’un simple petit joueur de musique gentil! Enfin, le scénario ne stagne pas du tout, il y a une réelle avancée, tant dans la découverte des personnages que dans l’action. Et la scene finale est vraiment grandiose et signe l’apothéose de cette épopée musicale!
    Bref, j’ai trouvé ce film sublime, d’une justesse rare et d’une sensibilité qui réussit à faire de l’histoire d’un jeune musicien un thriller musical epoustoufflant!

  • CRISTOFARI dit :

    Sérieusement ? De loin le film durant lequel j’ai le plus ressenti: stress, rush d’adrénaline et euphorie.

    Bisous

  • Gabrielle dit :

    Pas trop d’accord.
    Pour plusieurs choses : d’abord certes on ne s’identifie peut être pas aux personnages (en même temps c’est compliqué) mais on vit complètement le film, notamment Andrew. Même si tu ne dis pas tiens je suis trop comme lui tu es stressé quand il est stressé, et si la fin est si puissante c’est parce que tu “vis” son solo.
    Ensuite, c’est justement le fait que le film te montre un aspect très différent de “la musique trop de l’art, c’est inné” qui le rend intéressant. Certes c’est poussé à l’extrême mais c’est génial de voir le travail qu’il y a derrière un chef d’oeuvre justement.

    Enfin tu dis qu’on a l’impression de faire du surplace : trop pas. Le héros n’est pas le même au début et à la fin, il est modelé par Terence et ses échecs. Et les choix qu’il fait tout au long du film le pousse vers le solo final, qu’il n’aurait jamais atteind sans cela (c’est un peu la morale du film).

    Bref désolée pour cette longue critique mais je sors du film et c’était si fou que je n’ai pu m’empêcher de balancer un pavé.

    Tchuss

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