Quand les humoristes font leur cinéma

Omar Sy, Gad Elmaleh, Kev Adams ou encore plus récemment Ahmed Sylla, on ne compte plus les humoristes français qui peuplent nos salles de projections. En 2015 en effet, Jamel Debbouze et Franck Dubosc troquaient les places des deux premiers acteurs français les mieux payés.
Retour sur un phénomène fréquent, qui sonne parfois comme un passage obligé pour nos humoristes, pratique à risque qui peut tout de même parfois comporter ses limites dans le monde du cinéma français.

Une omniprésence incontestable

Si les comédies françaises continuent de mobiliser un public conséquent, les visages de leurs acteurs principaux ne nous sont clairement pas tous inconnus. Les humoristes français, font souvent un tour de passe-passe en squattant les studios de cinéma.
On ne compte pas le nombre de comédies populaires portées par des personnages emblématiques, qui en dehors de leurs rôles comiques, sont en fait portées par l’incarnation des humoristes eux-mêmes. Kad Merad et Dany Boon dans « Bienvenue chez les Chtis » (2008), Florence Foresti Et Jamel Debbouze dans « Hollywoo » (2011), Kev Adams et Franck Dubosc dans « Fiston » (2014)… Il y a tant d’exemples qu’on peut tout à fait parler d’un vivier très fertile, tant on voit des humoristes qui se reconvertissent en acteurs. Ces comédies, lorsqu’elles ont bien marché, sont souvent supportées par ces figures déjà bien ancrées dans le paysage culturel français.

Certains humoristes vont même jusqu’à exploiter au mieux certains sketchs de leur propre one man show pour en faire des films références, afin de pousser encore plus loin la puissance de certains de leurs personnages. On pense alors à Gad Elmaleh qui se transforme en Chouchou le temps d’un film, ou le personnage beauf de Dubosc qui séduira la France dans la saga Camping.
Les films évoqués ainsi s’inscrivent dans la dimension comique qui de fait, met en lumière le talent de certains humoristes. Ces comédies la plupart du temps entretiennent le lien avec le public, et ça fonctionne.
Mais qu’en est-il des humoristes qui se lancent dans des registres dangereux, tout autres et bien étrangers à leur terrain de jeu habituel ?

Crédit photo © La Dépêche

Pour le meilleur et pour le pire : un pari sur le futur

Si souvent les humoristes commencent par des films qui collent à leurs personnages, certains trouvent très vite le besoin de s’en détacher.
Jean Dujardin, qui s’est offert Hollywood avec « The Artist » (2011), a notamment exploré ses talents dans des comédies dramatiques comme les « Petits Mouchoirs » (1 369 812 entrées tout de même), qui a été un franc succès.
Omar Sy lui, joue sur les nuances et s’invite dans de nombreux films qui entrelacent des atmosphères différentes, comme « Inferno » (2016), « Samba » (2014), « Intouchables » (2011) évidemment…
Force est de reconnaître que pour ces deux acteurs la diversité leur a été bénéfique, puisqu’ils sont quasiment les seuls français à trôner aux côtés du gratin hollywoodien. Une réussite à l’américaine ?
Peut-être, car en France, la pratique divise. On pense notamment à certaines comédies, qui pourtant portées par des comiques très populaires, ne font clairement pas l’unanimité. On peut alors citer les nombreux scandales qui ont accompagné la sortie de « Gangsterdam » (2017) où joue Kev Adams, où de « Epouse Moi mon pote » (2017), premier long métrage de Tarek Boudali, qui lui aussi a déchaîné les critiques. Les français seraient-ils encore plus durs avec ceux qui tentent d’installer l’humour dans les salles ? Il semble que se lancer dans un film lorsqu’on est humoriste est parfois quitte ou double, et le tremplin que le cinéma français offre à ses humoristes est parfois à double tranchant.

Le riche avenir du cinéma français : L’exemple fulgurant de Redouanne Harjane

Redouanne Harjane – Crédit photo © « Le Transbordeur »

Bien heureusement, on compte un nombre incalculable de comédies françaises qui poussent nos humoristes sous le feu des projecteurs, et plus qu’un dénicheur de talents, le cinéma français offre de véritables opportunités pour ces jeunes. C’est le cas de Redouanne Harjane, jeune messin, qui se produit depuis le 1er octobre 2017 au Théâtre des Champs Elysées, et qui se retrouve à l’affiche du film de Sara Forestier, « M », pure merveille.
Son spectacle, « Redouanne est Harjane », est un condensé d’humour noir et d’anecdotes puissantes sur l’absurdité de l’époque, et Harjane n’est pas seulement bon avec sa guitare, puisqu’il offre une prestation époustouflante lors de son premier film, avec un personnage sombre et charismatique. Pas étonnant donc qu’il soit nommé pour les César comme « Révélation de l’année », peut-être remportera-t-il le titre du meilleur espoir masculin. Nous ne sommes d’ailleurs pas non plus surpris de trouver Ahmed Sylla à ses côtés dans cette liste, signe que les jeunes humoristes français ont du pain sur la planche mais colonisent l’avenir du cinéma français.

Clara Fulcheri