Premier Contact : la communication en abyme

Louise est une linguiste, appelée à la rescousse par des militaires affolés : ils sont arrivés, douze énormes vaisseaux se sont posés aux quatre coins de la planète : qui sont-ils, que veulent-ils ? C’est là que la linguiste entre en scène : le tout va être d’arriver à communiquer. Le scénario du film de Denis Villeneuve, Premier contact se tient, même si on n’a pas vraiment tout compris en sortant de la salle. Denis Villeneuve réalise son premier film d’anticipation, avec des aliens, créatures dont on ne parlera pas pour ne pas gâcher la surprise, si ce n’est pour vous dire: foncez, ils sont très bien faits ces aliens. Ceci étant dit, on peut s’intéresser au film.

L’intérêt principal du film n’est pas tant l’arrivée des aliens sur la terre que la réaction des humains face à cet élément nouveau, qui impose un traitement coordonné à l’international. Il y a bien deux arcs narratifs :

  • Celui des aliens : qui sont-ils, pourquoi sont-ils là, comment sont-ils représentés à l’écran ?
  • Celui des humains : qu’est-ce que cet événement dit des forces géopolitiques en puissance, comment répondre à une crise qui mobilise toute l’humanité ?

Cette combinaison des arcs narratifs est bien propre à la science-fiction. Et Denis Villeneuve s’y réfère. Selon lui, la SF est « un genre extrêmement fort qui nous tend des outils permettant d’explorer notre réalité de manière très dynamique ».

On comprend bien que ce qui a poussé le réalisateur à adapter ce roman de Ted Chiang, L’Histoire de ta vie (Story Of Your Life) publié en 1998, est d’explorer notre réalité : le deuxième arc paraît plus approfondi que le premier.

Symbole de cette volonté d’utiliser la science-fiction pour éclairer le présent, le principal obstacle aux avancées de Louise (qui est donc linguiste) est l’impossibilité d’un dialogue à l’international. La radicale étrangeté des aliens ne saurait pas être un obstacle pour Louise; en revanche c’est l’impossible communication avec les Chinois et leur posture martiale qui va être le véritable nœud gordien de cette histoire. Louise va mettre à profit son art de la linguistique autant pour dialoguer avec les aliens qu’avec les alliés et ennemis des États-Unis à l’international. En filigrane, le thème du dialogue et de la communication, qui n’est pas forcément aisé entre deux membres de la même espèce.

Un dialogue d’autant plus dur à établir et à entretenir dans un contexte de brouhaha. Pas un brouhaha de paquetages et rangers dans la base militaire comme l’on pourrait s’y attendre, mais brouhaha distant, celui des médias. Dans le film, la télévision, le « flash spécial », est l’objet qui trouble le huis clos étonnamment calme que représente la base militaire qui s’est installée au pied du vaisseau. Les médias sont associés à la fureur, à la vitesse, et viennent perturber le calme de l’avancée scientifique. À l’écran cela se traduit avec un montage alterné et non sans ironie.

Ceci étant dit, reste que le film est hollywoodien, alors il faut bien une morale au-delà de la simple fin : ce sont les universitaires qui font avancer les choses, pas les militaires (qu’ils soient d’ailleurs américains ou chinois). Il faut avouer que par les temps qui courent aux USA, voir un film hollywoodien faisant la part belle aux intellectuels et au concept de dialogue n’est pas sans rafraîchir. Tout ceci est baigné dans un univers SF immersif car intimiste – filmé principalement avec un point sur le premier plan-. Un voyage chez nous donc, et de quoi ouvrir la science-fiction même aux moins initiés.

Sortie en salle le 7 décembre

 

Gaël Flaugère