“GRAVITY”. Tonight, we’re going to space.

 « GRAVITY ». Le film dont tout le monde parle, le film que tout le monde veut voir sans vraiment savoir pourquoi. Après tout, sur le papier, si l’on fait abstraction de tout le battage médiatique autour de sa sortie, le synopsis n’a rien d’exceptionnel, et le casting composé de Sandra Bullock et George Clooney fait davantage penser à une comédie romantique à la Intolérable Cruauté qu’à un nouveau film de science-fiction cauchemardesque.

     Pourtant, c’est Alfonso Cuarón qui est à la caméra. Malgré une notoriété relativement limitée avant Gravity, il n’en est pas à son coup d’essai : le grand public se rappelle peut-être qu’on lui doit l’adaptation du troisième volet des aventures d’Harry Potter, incontestablement le plus réussi (des mauvaises langues diront que ce n’est pas forcément un exploit…) mais surtout l’excellent et incontournable Les Fils de l’homme en 2006. On y retrouve déjà une fascination du réalisateur pour la science-fiction quasi apocalyptique où l’humanité toute entière veut venger son infécondité en poursuivant une pauvre femme enceinte à travers la planète. On reste donc loin des petits hommes verts qui viennent tout détruire pour s’occuper entre deux parties de Scrabble le dimanche après-midi : Cuarón, c’est du sérieux.

    Amateurs du scénario post-it qui n’est qu’un prétexte à des desseins autrement plus importants, nous y voilà ! C’est très simple : suite à la destruction d’un satellite russe, un champ de débris circule et endommage sérieusement l’installation où se trouvent nos personnages, les laissant livrés à eux-même dans l’immensité du vide. Dès les premiers instants, la 3D est tout simplement éblouissante, ce qui n’est pas forcément commun dans l’espace, me direz-vous. Si vous avez toujours rêvé de savoir ce que ça fait de gambader en apesanteur dans l’espace, l’occasion est idéale : le spectateur se voit comme s’il était lui-même dans la combinaison des protagonistes et l’immersion est totale, autant que l’émerveillement devant les somptueuses images terrestres. Le travail sur le son, inexistant dans l’espace, est également très méticuleux et intéressant, et varie selon les perceptions dans la combinaison et en dehors.

     Mais l’émerveillement des premiers instants s’estompe car il ne faut pas oublier que Gravity est un long cauchemar d’une heure trente, et Cuarón excelle à nous montrer ce contraste immense entre les panoramas terrestres que chacun rêverait de pouvoir contempler, et l’hostilité extrême de cet environnement où la vie est totalement impossible. Les êtres humains y sont minuscules, perdus, ballottés, impuissants. On prend pleinement conscience que la vie ne tient qu’à un fil, qu’à une quantité d’oxygène qui s’épuise trop rapidement dans une combinaison, qu’à un seule main qui se referme au moment adéquat sur un objet salvateur.

     Le vide est alors partagé entre la plénitude la plus totale et l’enfer le plus angoissant. Quasiment toutes les phobies humaines les plus horrifiantes répondent présentes au rendez-vous et l’immersion du spectateur est telle qu’on finit par s’étonner de frissonner, trembler au rythme des péripéties des protagonistes. Le plus étonnant est d’ailleurs de ressentir une réelle claustrophobie en plein milieu de l’immensité spatiale : on se sent parfois au cœur d’un jeu vidéo dernière génération où on n’aurait aucun pouvoir sur les agissements de notre personnage. Déroutant pour les amateurs de loisirs vidéo-ludiques.

     Au-delà d’un simple film, il faut donc repenser Gravity comme une expérience visuelle inédite, digne d’une attraction incontournable du Futuroscope. On pourra facilement critiquer les dialogues volontiers convenus et peu intéressants et un cheminement assez linéaire et prévisible. Mais la force de Gravity est de réussir à captiver, et d’étonner esthétiquement malgré ces défauts qui finalement ne retiennent pas vraiment notre attention. S’il n’est peut-être pas LE film de 2013, il incarne sans doute l’expérience cinématographique de l’année, et ouvre des horizons très réjouissants à une technologie 3D qui a souvent peiné à convaincre. Dans tous les cas, il est à voir pour en prendre plein les yeux. Et je ne parle pas seulement de débris de satellites.

Aurélien Baraffe

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