Game of Thrones: En attendant la reprise

En attendant la reprise de GOT, Cinépsis revient sur le dernier épisode de la saison 4 : symboles cachés d’un dernier épisode bien ingénieux

Comme toute fin de saison de Game of Thrones, la numéro 4 n’a pas dérogé à la règle : violence, retournement de situation, prise de contrôle et de pouvoir, l’épisode 10  fût sans conteste à la hauteur de nos espérances.

Mais plus encore qu’à l’accoutumé, cette ultime heure hivernale a su nous épater en focalisant son attention sur une unique clé de voûte : l’enfance et l’importance de la filiation. Le titre, The Children, nous l’annonçait d’emblée : ce sera désormais aux enfants, quelque soit leur maisonnée et leur condition, de prendre le pouvoir et de faire un choix, respecter l’héritage de leurs parents ou, au contraire, s’élever contre eux.

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– Les enfants Stark

Jon Snow, tout d’abord, ouvre le bal, en liant d’emblée son statut de héro-martyr (il se sacrifie en partant tuer le roi des sauvages) à sa condition sociale. Or, se faisant soudainement assaillir par les troupes de Stannis Baratheon, Jon est sauvé en révélant qu’il est le fils de Ned Stark – titre qui, jusque là, le desservait davantage qu’il ne l’aidait. Il affirme alors immédiatement cette identité de leader nouvellement acquise, digne successeur des Stark, en suggérant de laisser la vie sauve à celui qu’il voulait lui-même tuer quelques minutes auparavant (le roi des sauvages).

Le fils illégitime acquiert enfin la légitimité de décider – par sa bravoure sur le champ de bataille, par son sacrifice pour les siens, mais également par la noblesse de son sang.

 

Arya Sark, plus encore, s’affirme comme jamais dans cet épisode en s’émancipant totalement et pour la première fois depuis le début de la série. Bien qu’ayant toujours fait preuve d’une incontestable maturité, elle avait toujours été maintenu sous la tutelle d’un adulte. La jeune fille se retrouve ici nez-à-nez avec Brienne qui, à la manière de Jon Snow avec Stannis Baratheon, lui assure sa protection en découvrant son lien de parenté avec la famille Stark. Or, non seulement Arya préfère s’enfuir seule que de se retrouver sous une nouvelle autorité (cette dernière n’ayant pas su protéger sa génitrice) mais elle fait preuve de supériorité et d’une surprenante cruauté. Dès le début de la scène, Arya est en posture de force, l’épée à la main, digne et debout, alors que le Limier est médiocrement en train de faire ses besoins derrière un rocher, accroupi. Celui-ci une fois à terre, Arya commence par s’assurer qu’il ne se relèvera pas : “You’re gonna die?”.  Là encore, l’homme est à terre, et ne peut que difficilement regarder la jeune fille qui se trouve sur le côté. Arya, elle, se tient droite, toujours “l’aiguille” à la main, et a tout le loisir de l’observer, le surplombant d’un regard aussi fixe que froid. Après que son ennemi/protecteur lui ait affirmé qu’il n’avait aucune chance de s’en tirer, la descendante  des Stark choisit de le regarder souffrir sans broncher et de se retirer lentement au loin. Arya fait preuve d’un sadisme égal à celui du Limier jusqu’alors : elle ne se contente pas de le tuer mais préfère le laisser sujet à d’atroces souffrances.

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  • Les enfants Lannister

 

Cersei, qui malgré son amertume et ses remarques acerbes respectait malgré tout la volonté de son père depuis le début de la série, finit enfin par l’affronter en lui révélant les liens incestueux qu’elle entretient avec son frère, au risque de détruire ses relations père/fille au profit de l’amour qu’elle conserve pour son propre fils. Cersei déclare la guerre à son père en lui montrant à quel point il n’a pas su comprendre les liens incestueux qu’entretenaient ses propres enfants et en lui apportant ainsi la preuve que la famille Lannister n’a aucune légitimité à être sur le trône (les enfants de Cersei étant ceux de Jaime et non de Robert Baratheon). Elle lui annonce avec dédain : “Legacy is a lie.”.

 

Tyrion, quand à lui, nous offre l’émancipation la plus spectaculaire (et radicale) de Game of Thrones, et probablement la plus jubilatoire.

Tyrion, libéré (ou piégé ?) par son frère décide de se rendre dans le palais avant de s’échapper. Il découvre alors Shae, la maîtresse dont il était profondément amoureux, dans le lit de son père et la tue par étranglement – acte mortuaire symboliquement érotique.

Puis, saisissant l’arbalète qu’avait auparavant utilisé Joffrey pour tuer une prostituée (ce qu’est elle-même Shae), Tyrion va à la rencontre de son père qu’il découvre ironiquement sur le trône (toilettes). Le nain se trouve enfin en posture d’égalité face à son père (il n’a pas à lever les yeux pour s’adresser à lui puisqu’il est assis) et le réduit d’autant plus en le surprenant dans une posture humiliante. En le tuant, il se libère alors doublement de son emprise : judiciairement, puisqu’il l’avait emprisonné, et bien sûr symboliquement.

Celui qui devait mourir tua.

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– Les enfants Targaryen

 

La Khaleesi, quand à elle, se trouve dans cette épisode face à une terrible constatation : les limites d’une loi qu’elle pensait incontestablement juste, et les limites de son contrôle sur sa progéniture. Découvrant que l’un de ses dragons a tué une petite fille de 3 ans, elle ne trouve d’autre solution sur d’enchaîner ses enfants-dragons dans les catacombes – bien que son principe premier soit d’offrir une liberté totale aux siens. Mais sa descendance est également constituée de ce nouveau peuple auquel elle a donné vie. Là encore, après qu’un vieillard soit venu lui fait part des débordements déclenchés par cette soudaine liberté donné aux jeunes esclaves, Khaleesi réalise que rompre les liens d’autrui ne le rend pas pour autant libre.

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Enième pivot dans cette longue saga, cet épisode pourrait très probablement être analysé sous une perspective freudienne/lacanienne. “L’enfant” oscille ici entre l’expression de la tendresse (être fidèle à son rang et sa lignée) ou au contraire vers un désir d’éviction. L’enfant “mange” symboliquement l’objet convoité, l’autorité parentale, l’anéantissant en tant que tel et se l’appropriant. Or Freud invoque la figure du cannibale qui aime ses ennemis jusqu’à les dévorer : il ne dévore jamais ceux qu’il ne peut aimer d’une manière ou d’une autre. Jon Snow, Arya Stark, Tyrion et Cersei Lannister s’affirment en détruisant l’autorité qui les gouvernait jusqu’alors, et réaffirment précisément par cet acte leur lien de parenté (Arya, par exemple, ne respecte pas la parole faite à sa mère mais fait preuve de la même bravoure et de la même ténacité que cette dernière, Tyrion rappelle à plusieurs reprises qu’il a toujours été le fils de Tywin et adopte  la même violence que lui).

 

Game of Thrones nous fait ainsi déguster dans cet ultime épisode un terrifiant banquet.

Ne reste plus qu’à engloutir cette saison 5 si attendue !

Chloé Letourneur