Ces méchants qu’on adore détester : focus sur la figure du slasher dans le cinéma d’horreur

scream wes craven

Il convient, avant de rentrer plus amplement dans le vif du sujet, de faire un petit point sur les origines du slasher movie. Le terme slasher apparaît chez la critique dans les années 90. Le slasher est un sous-genre du cinéma d’horreur qui hybride teen-movie et thriller. À noter que ce sous-genre est inspiré par le “Giallo” (films italiens à la frontière entre horreur, policier et érotique), qu’on connait notamment via Mario Bava et Dario Argento. Le slasher movie met en scène un “psycho-killer”, souvent masqué dont le dessein est d’éliminer à l’arme blanche un groupe de jeunes gens. Contrairement au film de “survival” où les protagoniste sont confronté à un tueur dans un milieu hostile, le slasher intervient dans le cadre de l’ordinaire, du quotidien. Le spectateur est plongé au coeur de l’action. Dans le slasher, pas d’intrigue policière : on ne cherche pas tant qui est le tueur mais qui va être le survivant.

Amour, désamour, réamour… Le parcours tumultueux des slasher movies

Le film Psychose d’Alfred Hitchcock (1960) est considéré comme le précurseur du film de slasher et introduit déjà la figure du psycho-killer avec Anthony Perkins. Mais c’est en 1974, avec Black Christmas que Bob Clark lance véritablement le genre. À la suite de cela, John Carpenter inaugure le premier grand succès du film de slasher avec Halloween, la nuit des masques en 1978. Cet immense succès auprès du public entraîne toute une déferlante de films du même genre. On retient notamment Nightmare on Helm Street de Wes Craven (1984) qui met en scène le très horrifique Freddy Krueger. Victime de son succès, le film de slasher connaît par la suite une sorte de dégénérescence qui nuira au genre. En effet, les films de slasher sont souvent peu coûteux et donc très rentables en vue de leur succès en salle. C’est donc tout naturellement que de très nombreux producteurs se sont mis à proposer une très vaste multitudes de suites (plus ou moins qualitatives, soyons francs) desservant le genre. C’est donc très tristement que cet abus de succès entraîne parfois le rapprochement entre slasher et “nanar”.

Cela dit, n’ayez crainte, Wes Craven (encore lui) arrive à la rescousse avec Scream en 1996, relançant véritablement le genre avec son mythique Ghostface tout en détournant malicieusement et ironiquement les codes du films d’horreur. À partir de ce moment, on parlera plus de “néo-slasher”, perpétuation de ce sous-genre dans une veine plus cynique. Petit regain notable de popularité cela dit dans les années 2010 avec l’adaptation série-télévisée de Scream et Scream Queens, ou encore en 2017 avec la sortie du film Happy Birthdead.

Le slasher dans la pop culture : le tueur mythifié

En s’inspirant parfois de faits divers sordides, le film de slasher joue sur la fascination morbide des spectateurs. Le slasher est doté d’un pouvoir de fascination d’autant plus fort que la trame scénaristique est ancré dans un univers du quotidien réaliste. Autre forme d’attraction liée à la figure du slasher : il incarne une force surhumaine et implacable : les victimes ont beau courir plus vite que Usain Bolt, le tueur, en marchant finit toujours par les rattraper.

Le film de slasher, c’est aussi une représentation cinématographique du tueur mythifié. Et oui, le film de slasher vise plus à mettre en avant le passé psychologique du tueur et son mode opératoire que les victimes. Les grands héros des films de slashers, ce sont les tueurs plus que les survivants (ou les morts…) : ainsi, on se souvient de Michael Myers, de Freddy, de Chucky, du Ghostface de Scream (désolé Sidney Prescott) – car ce sont ces Boogeyman qui sont moteurs du film. Ces légendaires figures monstrueuses deviennent ainsi de véritables icônes de la culture populaire.

slasher film d'horreur

Slasher, Women Studies et moralité

Si le tueur a une place prépondérante dans les slasher movies, le genre fait cependant la part belle aux femmes. En effet, c’est avec une grande régularité que la dernière personne à rester en vie soit un femme. Certains travaux critiques comme ceux de Dika et Clover, qui s’ancrent dans les Women Studies des années 1980 tendent à faire ressortir que parmi les codifications qui régissent le slasher movie, s’inscrit la représentation de la femme forte et combative. Cela dit, la survivante n’est pas n’importe quelle femme. En effet, comme le rappelle très ironiquement Randy Meeks dans Scream «La virginité est un rempart contre le mal, c’est une des règles du genre» – en gros “sex = death”.

Dans Halloween, la virginité de Jamie-Lee Curtis agit comme une sorte de bouclier, prenant alors le contre-point du teen-movie (où le sexe est un rite de passage, quasi initiatique). Le slasher movie semble alors condamner la frivolité. Souvent, les films de slasher par cette problématique du sexe deviennent des métaphores de vrais problèmes sociétaux (infection sexuellement transmissible), prônant alors une certaine leçon de morale. Le combat qui se joue alors dans le slasher ce n’est plus simplement celui d’une ado et d’un meurtrier mais le combat mythique de la pureté et du mal. Le slasher, ramenant les survivants à la réalité, opère un passage à l’âge adulte, le film représentant alors une sorte de parcours initiatique.

Petit top des plus subjectifs (et non exhaustif)

Scream – Wes Craven
Parce qu’on aime frissonner mais qu’on aime quand même bien rire un peu. Et il faut admettre que Wes Craven pose des questions existentielles : “What’s your favorite scary movie ?” (les 4 Scream sont à voir sans retenue).

scream wes craven

Halloween, la nuit des masques – John Carpenter
Un bande son mémorable, une pointe de kitsch, un redoutable tueur masqué : un film simple et efficace.

halloween la nuit des masques john carpenter

The Chainsaw massacre – Tobe Hooper
On me dit à l’oreillette “c’est pas complètement un slasher movie” – et en effet, c’est discutable. Même si le film tient plus du survival, la version originale vaut quand même bien le détour.

chainsaw massacre tobe hooper

Haute Tension – Alexandre Aja
Mettons un peu à l’honneur le cinéma français. Les amateurs de gore seront servis et le film réserve bien des surprises.

haute tension alexandre aja

Sources :
https://www.editions-ocree.fr/uploads/books/slashers/slashersExtrait.pdfhttp://culturaddict.com/slasher-histoire-dun-genre-cinema-dhorreur/

Wikipédia

Annabelle CARON