Le cultissime Phantom of the Paradise

C’est en 1974 que Brian de Palma sort son film musical Phantom of the Paradise, film parodique, mais une parodie faite avec sérieux, pertinente dans le loufoque, et au kitsch soigné.

Le prestigieux Swan, producteur du label Death Records, cherche un spectacle digne de l’ouverture de son club, le Paradise, et jette son dévolu sur la musique de Winslow Leach, un jeune compositeur à qui il fait miroiter la gloire pour ensuite voler son œuvre et l’évincer du processus. Leach touche le fond, désespéré, et Swan attribue la musique à Phoenix, une chanteuse jeune et naïve, qu’il se met en tête de séduire.

Alors que les préparatifs bruyants et colorés de l’ouverture du Paradise continuent, Leach complote sa vengeance, s’éprend follement de Phoenix, et découvre le vrai visage de Swan, un visage diabolique.

C’est après s’être fait déposséder d’un film au début de sa carrière par des producteurs que Brian de Palma commence à méditer sur celui ci, dans lequel il veut donner à voir ces tristes rouages du monde de la musique et du cinéma.

Le film est donc méta-musical, méta-cinématographique, et se moque avec brio et justesse de l’industrie du spectacle : le personnage de Swan est construit en référence au célèbre Phil Spector, monstre sacré de la musique qui lui aussi n’était pas sans sa part d’ombre (par exemple et au hasard, comme un lundi, menacer sa première femme Ronnie de l’enfermer dans le cercueil de verre qu’il a construit dans sa cave, ou se faire inculper pour homicide en 2009). Et, surtout, le film parodie en musique le glam-rock, le goth-rock, ou encore le surf rock à la Beach Boys:

Sous l’hyperbole et les paillettes, le film pointe du doigt les plus sombres réalités du monde de la musique : la soif de scandale de la presse et surtout du public qui cherche un spectacle avant une musique, la cruauté et l’arbitraire des auditions, et l’omnipotence des producteurs sur les artistes ; en effet, le copyright anglo-saxon est fait de telle sorte qu’un compositeur peut techniquement se voir voler son œuvre, ça s’est vu dans le passé, ça se verra sans doute encore.

Donc ce film se moque, mais la parodie ne veut certainement pas dire que le travail est bâclé, et l’esthétique négligée : le film est très beau, grâce à des plans qui font la patte de Brian de Palma ; parce que l’univers est, certes kitsch, mais très léché ; et parce que le film est saturé de culture, constellé de références littéraires (Le Portrait de Dorian Gray  ; Frankenstein, la légende allemande de Faust, ou encore Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux) ou cinématographiques, avec de nombreux clins d’œil à Dracula, à l’expressionisme allemand, ou à Orson Welles et Alfred Hitchcock.

C’est un film on ne peut plus culte qu’il faut avoir vu :

  • pour désormais dire, quand quelque chose est génialement bordélique, que c’est « tellement de Palmesque » (mouvement de mèche)
  • parce que ce film plein d’hommages a lui aussi inspiré (Star Wars, par exemple, pour l’esthétique et les costumes)
  • Et bien sûr pour sa génialissime B.O composée par Paul Williams, qui joue également le personnage de Swan, et qui tout comme le reste du film reprend des codes pour s’en moquer, tout en ayant aussi une qualité intrinsèque, et peut s’apprécier même indépendamment du paratexte.

http://www.dailymotion.com/video/x9i7q9_phantom-of-the-paradise-jessica-har_music

Ambre Chalumeau